Le 18 juillet 2008, le FC St. Pauli accueillait au Millerntor une équipe pour le moins inattendue : la sélection nationale de Cuba. Ce match amical, disputé sous un soleil estival et dans une ambiance festive, n’était pas seulement un événement sportif. Il marquait l’inauguration officielle de la nouvelle tribune sud du stade, fraîchement reconstruite après des années de travaux et de débats internes. Et il symbolisait, à sa manière, l’ouverture internationale et l’esprit singulier du club hambourgeois.
🏟️ Une tribune, un symbole
Depuis 2006, le Millerntor-Stadion était en pleine rénovation. Fidèle à ses principes, le FCSP avait refusé toute vente de naming à des sponsors, préférant financer les travaux par ses propres moyens et ceux de ses membres. Le match contre Cuba, organisé le 18 juillet 2008, servait donc de baptême pour la nouvelle tribune sud — un geste fort, à la fois architectural et politique.
Inviter Cuba, nation souvent marginalisée sur la scène internationale, relevait d’un choix assumé. Le FC St. Pauli, fidèle à son ADN antifasciste et anticapitaliste, voyait dans cette rencontre une manière de célébrer l’amitié entre peuples, loin des logiques de marché. Le club avait d’ailleurs précisé que ce match n’était pas un soutien au régime cubain, mais une main tendue aux sportifs et aux citoyens.
⚽ Le match : une démonstration sans arrogance
Sur le terrain, les Kiezkicker ont livré une prestation solide. Emmenés par le capitaine emblématique Fabian Boll, policier de métier et figure respectée du club, les joueurs ont dominé la rencontre de bout en bout. Le score final — 7 à 0 — reflétait la différence de niveau, mais jamais l’attitude des joueurs n’a versé dans la condescendance.
Les buteurs du jour incluaient notamment Marius Ebbers, Florian Lechner, et Deniz Naki, jeune espoir alors en pleine ascension. Le public, nombreux et enthousiaste, saluait chaque action cubaine avec chaleur, et chaque but paulinien avec ferveur. Les tribunes vibraient au rythme des chants antifascistes, des drapeaux pirates et des slogans en espagnol improvisés pour l’occasion.
🌍 Une rencontre au-delà du sport
Ce match n’était pas qu’un événement footballistique. Il s’inscrivait dans une série d’initiatives du club visant à renforcer les liens internationaux : accueil de délégations de supporters étrangers, échanges culturels, soutien à des projets sociaux en Amérique latine. Le FCSP avait même organisé, en marge du match, une soirée musicale avec des groupes cubains et allemands, ainsi qu’un débat sur le rôle du sport dans les relations internationales.
Les joueurs cubains, logés dans des familles du quartier, ont pu découvrir la vie locale, visiter les docks, et échanger avec les jeunes du centre communautaire. Plusieurs d’entre eux ont confié n’avoir jamais vu un stade aussi engagé politiquement, ni un public aussi chaleureux.
🧠 Fabian Boll, capitaine et mémoire d’une époque
Fabian Boll, alors au sommet de sa carrière, incarnait parfaitement l’esprit du club. Policier le jour, milieu défensif le week-end, il était respecté pour son calme, son engagement et sa fidélité. Lors de ce match, il avait tenu à rappeler que « le football peut être un pont entre les mondes, même quand les gouvernements ne se parlent pas ».
Son rôle dans cette rencontre allait au-delà du terrain : il avait participé à la préparation logistique, aux échanges avec les officiels cubains, et à la coordination avec les groupes de supporters. Ce match reste, dans sa mémoire comme dans celle du club, un moment de convergence rare entre sport, politique et humanité.
🏴☠️ Un match qui ne ressemble à aucun autre
17 ans plus tard, ce match contre Cuba reste gravé dans l’histoire du FC St. Pauli. Non pas pour son score, mais pour ce qu’il représentait : une tribune inaugurée sans sponsor, une équipe accueillie sans préjugé, un public mobilisé sans folklore. C’était un match à l’image du club : radical, ouvert, joyeux, et profondément humain.
Et si le football est parfois un miroir de la société, ce jour-là, au Millerntor, il reflétait une utopie en mouvement — celle d’un sport qui relie, qui questionne, et qui célèbre la diversité sans jamais renoncer à ses convictions.