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Guy Acolatse : le black power paulianer

Guy Acolatse, c’est pas n’importe qui ! C’est le premier joueur originaire du continent africain à avoir joué en championnat allemand dans l’après seconde guerre mondiale. Et ça, déjà en soi, c’est pas rien. Mais il est aussi une grande personnalité et une personne à la trajectoire intéressante. Découvrons cela ensemble grâce à un portrait en forme de rétrospective.

On est le 28 avril 1942, au Togo, pays du Golfe de Guinée, à côté du Bénin. Guy voit le jour. Peu d’éléments restent consignés dans les médias de ses années d’enfance et de jeunesse jusqu’à ce qu’on recroise son chemin bien plus tard, au début des années 60. Il est alors déjà un jeune footballeur sélectionné (avec l’équipe du Dahomey, l’actuel Bénin) évoluant au poste d’attaquant. Et il se fait que le sélectionneur de l’équipe du Togo est un Allemand qui a décidé de s’expatrier dans l’ancienne colonie allemande (jusqu’à la 1ère guerre mondiale) et qui repère Guy lors d’un tournoi de repérage à Yaoundé (Cameroun, autre pays dont une partie a été sous influence allemande à l’époque des colonisations européennes).

Guy Acolatse dans l’hiver de l’Europe du Nord

Départ vers l’Europe

Bien qu’il ait reçu auparavant des offres en provenance de Belgique ou de France, offres qu’il a déclinées en raison de sa réticence à quitter sa terre natale, le sélectionneur Otto Westphall arrive à décrocher un accord pour que Guy l’accompagne en Allemagne où le technicien vient d’être nommé entraîneur du FC St. Pauli. Le contrat est séduisant : 300.000 francs CFA de l’époque, une vraie petite fortune. Nous sommes en 1963 et la république fédérale est encore en pleine reconstruction. Hambourg qui a été fortement frappée par les bombardements alliés de 43-45 en porte encore les marques. Tout comme celles des inondations de l’année précédente.

C’est dans ce contexte que Guy arrive pour être le nouveau numéro 10 de l’équipe de quartier et il se souvient que lorsqu’il sort du taxi devant le stade Wilhelm Koch (notre actuel Millerntor), il se trouve en face d’une foule compacte et se demande s’il y a un match ce jour-là. Non, tout le monde est là pour le voir, lui, le Togolais qui arrive dans le port hanséatique, dans une Allemagne du nord où il représente une sorte d’attraction. Il se souvient d’ailleurs que dans les premières semaines, la presse n’évite pas les clichés les plus éculés. Mais qu’importe, Guy s’adapte.

Guy Acolatse pour la pose parmi ses coéquipiers.

Les relations avec la population

Guy retient de cette période de milieu des sixties allemandes qu’il y avait plus de curiosité pour lui que de rejet, le premier Noir à jouer en deuxième division nationale. Un jour, quelqu’un lui a demandé s’il pouvait aller où il voulait et il a répondu par la positive, disant qu’il allait même dans les pubs (les Kneipen) et y commandait de l’Alsterwasser (le panaché local) sans problème. C’est que Guy avait une grande force d’adaptation, une bonne éducation qui l’aidait grandement dans son acclimatation à cet environnement singulier. Et sur les terrains cela se ressentait : très vite, il séduit par son altruisme, sa vision du jeu, sa technique.

Et lors de sa première saison au FC St. Pauli (63/64), il signe deux buts en 23 apparitions. Le classement du club est exceptionnel : il finit 1er et se qualifie pour les barrages valides pour monter en Bundesliga contre le Bayern d’un joueur alors inconnu mais promis à un grand avenir : Franz Beckenbauer. L’issue des barrages n’est pas favorable aux Kiezkickers malheureusement mais Guy garde un souvenir impérissable de cette rencontre avec l’une des futures légendes du football allemand.

Guy Acolatse en action.

Départ pour un autre club de Hambourg

On manque évidemment de statistiques pour les saisons aussi éloignées mais on peut dire que l’année suivante, il confirme avec 18 titularisations et cinq buts, toujours en Regionalliga Nord (la 2ème division de l’époque). Malgré tout cela, les logiques sportives d’un club de football, déjà à ce moment-là, ne conduisent pas toujours à ce qu’on pourrait espérer et à l’été 1965, Guy quitte le FC St. Pauli pour le HSV Barmbek Uhlenhorst, un autre club à quelques encablures plus au nord-est de la ville des bords de l’Elbe. Ce départ, il l’attribue en partie au changement d’entraîneur, et quand arrive Kurt Krause, celui-ci lui fait comprendre qu’il n’aura aucune chance avec lui aux commandes.

Peu de données existent au sujet des années qu’il passe à Barmbek. Mais ce qui semble un fait digne de foi, c’est que Guy a un petit côté “joli cœur” et cela l’amène à ne pas hésiter à sécher un entraînement pour aller conter fleurette. Il se marie d’ailleurs en Allemagne, divorce, puis se remarie et divorce encore deux fois de la même compagne. Il a un fils de cette union, René, qui est toujours Hambourgeois.

Guy Acolatse sous le maillot du HSV Barmbek Uhlenhorst.

Retour à ses premières amours

Toutefois, en 1970, Guy revient à St. Pauli qu’il considère encore comme sa maison. Il joue en équipe 2, remplace parfois des blessés de l’équipe première. Guy entretient de bonnes relations avec les dirigeants du club qui l’amènent parfois à déjeuner chez eux. Au club de quartier, il passe donc encore trois saisons qui seront les dernières de sa carrière de joueur. Malheureusement, aucune statistique n’a été retrouvée de cette ultime période de Guy en tant que joueur.

Ensuite, une fois les crampons raccrochés, il entraîne quelque temps des équipes locales et, en 1980, acceptant une offre pour s’occuper des jeunes du PSG, il s’installe en région parisienne. C’est aussi sur une promesse qu’il a fallu tenir qu’il se retrouve loin de l’Allemagne. Sa fille venait de naître et la maman en France l’attendait pour honorer sa parole : “si c’est une fille, je te rejoins en France”. Après le PSG, c’est chez Ford qu’il finira ses années de travailleur, et aujourd’hui il est retraité, à St Denis où il s’occupe des jeunes du quartier.

Une photo de Guy en couleurs avec le maillot du FCSP.

Vous pouvez le demander à n’importe qui dans son quartier : Guy est une figure bien connue, appréciée et respectée. Surtout des jeunes qui viennent lui rendre visite. Et il met un point d’honneur à ce que ses “protégé-e-s” soient sérieux à l’école : s’il a aidé à faire passer des messages en tant que joueur africain dans l’Allemagne des années 60, il n’a pas perdu cette veine éducative.

Si notre communauté à un message à lui faire passer, c’est peut-être le plus important en même temps que le plus simple : “Merci, Monsieur Guy, pour avoir aidé à faire évoluer les mentalités !”.