Au cours des trois dernières décennies, le FC St. Pauli a vécu ses plus belles heures… et ses pires sueurs froides. Entre derbies urbains, « Ostduels », batailles pour la montée ou la survie, chaque rencontre à enjeu a forgé l’identité rebelle du club. Retour sur les rendez-vous les plus marquants de 1990 à aujourd’hui.
1. Le derby de la ville : FC St. Pauli vs Hamburger SV
Le « Hamburger Stadtderby », ou derby d’Hambourg, réunit deux philosophies opposées : le club bourgeois du HSV et l’alternative punk du FCSP.
- En 2001–02, pour la première fois depuis 1978, les deux équipes se croisent en Bundesliga ; le St. Pauli version André Golke, Gerald Asamoah et Thomas Meggle ne parvient pas à rivaliser et termine 18ᵉ après une victoire de HSV, avant de rejoindre une fois de plus la 2. Bundesliga.
- De 2011 à 2014, la saison en deuxième division offre trois nouveaux derbies : l’ambiance électrique du Millerntor donne lieu à chants et tifos hors normes, et chaque coup d’envoi est vécu comme un sommet – qu’il se solde par une victoire inespérée des Boys in Brown ou une défaite frustrante.
- Lors de la saison 2023–24, le match retour à l’HSV (Journée 32) bascule dans le suspense : malgré une domination st. paulienne, Robert Glatzel marque pour Hamburg en toute fin de match, et Nikola Vasilj sauve tout espoir de remontée sur penalty, illustrant la dramaturgie intacte du derby.
2. Les « Ostduels » : FC St. Pauli vs Dresden & Rostock
Au-delà de la frontière entre Est et Ouest, ces affrontements sont l’occasion de mesurer la solidarité et la fierté de deux anciens clubs de la RDA :
- Avec le Dynamo Dresden, le partage de la 2. Bundesliga entre 2011 et 2014 intensifie une rivalité nourrie par le passé est-allemand. Chaque déplacement à la DDV-Stadion se transforme en combat de tribunes : fumigènes, banderoles et hymnes scandés jusque tard dans la nuit amplifient l’enjeu, même si les rencontres restent globalement équilibrées.
- Face au Hansa Rostock, l’excitation est aussi forte : Strom, la légende locale, et les chants marins résonnent au Millerntor, tandis que les supporters visiteurs répondent par des drapeaux bleu-blanc. La victoire 1-0 du 26 avril 2024, sur un but de Jackson Irvine et un Nikola Vasilj impérial, garantit à St. Pauli une place de barragiste et illustre la férocité de cette confrontation : un duel de classes moyennes ouvrières de l’ex-Allemagne de l’Est trituré par les chants frondeurs de la Südkurve.
3. Grandes batailles pour la promotion
3.1. Retour en Bundesliga en 2010
Après quatre saisons en 3. Liga, le FCSP retrouve l’élite :
- En 2009–10, avec un football offensif et une attaque record à 72 buts, St. Pauli termine 2ᵉ de 2. Bundesliga (64 points) et remonte pour la première fois depuis 1978 en Bundesliga.
3.2. La montée de 2024 en fanfare
La saison 2023–24 restera gravée dans les mémoires :
- À Hannover (Journée 30), la tactique ultra-offensive de Fabian Hürzeler l’emporte 2-1, permettant de rester au contact des leaders ;
- Le 26 avril 2024, la victoire capitale 1-0 contre Rostock assure mathématiquement au club une place en barrages, grâce à un but d’Irvine ;
- Lors de la Journée 33, face à Osnabrück, les Boys in Brown signent un triomphe 3-1 et libèrent une foule en liesse qui envahit le terrain : c’est la sixième promotion en Bundesliga de l’histoire du club, acquise devant 29 000 fervents !.
4. Matches cruciaux pour éviter la relégation
4.1. Le naufrage de 1991
La dernière saison de St. Pauli en Bundesliga avant une longue disette se termine dans la désillusion :
- Le 12 mai 1990, la déroute 0-7 à Düsseldorf scelle une 16ᵉ place synonyme de relégation, actant la fin d’une ère pour le Millerntor et ses rois de la contre-culture.
4.2. Chute en 2002 et en 2011
- En 2001–02, malgré l’apport de Thomas Meggle et Simon Bulat, le club sombre à la 18ᵉ place de Bundesliga, avec seulement 22 points, et retrouve la 2. Bundesliga dès la saison suivante.
- La saison 2010–11 dans l’élite tourne au cauchemar : St. Pauli, conscient de l’écart de budget et de l’écart de niveaux, termine dernier (18ᵉ avec 29 points) et redescend immédiatement en deuxième division, laissant derrière lui de lourdes séquences défensives.
Chaque match de fin de saison, dans la peur du dernier échelon, a renforcé le caractère indocile du club et l’attachement viscéral de ses supporters à la survie collective du projet.
Conclusion
Entre derbies furieux, « Ostduels » enflammés et batailles à couper le souffle pour monter ou se maintenir, le FC St. Pauli a illustré depuis 1990 la puissance émotionnelle du sport populaire. Chaque rencontre majeure a laissé une trace : fierté transalpine d’une promotion magnifique, amertume cuisante d’une relégation inéluctable, fraternité inébranlable entre tribunes brunes et blanches. Aujourd’hui, plus que jamais, les grandes joutes du Millerntor sont l’écho d’un club qui défie les normes du football moderne pour en conserver l’âme collective et rebelle.