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Focus sur… Ewald Lienen – “Chewald” au cœur du FC St. Pauli

Il est des figures qui dépassent le cadre du football. Des hommes dont la trajectoire épouse celle d’un club, d’un quartier, d’un combat. Ewald Lienen, surnommé par les fans du FC St. Pauli “Chewald” ou “Ewald Lenin”, est de ceux-là. À la fois entraîneur, militant, penseur et homme de terrain, il incarne une forme rare d’engagement dans le monde du sport professionnel. Ce portrait retrace son parcours, ses convictions et son rôle central dans l’univers brun et blanc du Millerntor.

🧠 Une carrière de joueur marquée par la ténacité

Né le 28 novembre 1953 à Liemke, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Ewald Lienen débute sa carrière professionnelle à Arminia Bielefeld en 1974. Attaquant combatif, il rejoint ensuite Borussia Mönchengladbach, où il remporte la Coupe de l’UEFA en 1979 et dispute plus de 300 matchs en Bundesliga. Mais c’est un événement tragique qui le rend célèbre : en 1981, lors d’un match contre le Werder Brême, il subit une blessure spectaculaire — une entaille de 25 cm à la cuisse, provoquée par un tacle violent. L’image de Lienen courant vers le banc adverse, la jambe ouverte, est entrée dans la légende du football allemand.

✊ Le militant, le rebelle, le penseur

Derrière le joueur se cache un homme engagé. Dès les années 1980, Lienen s’implique dans des mouvements pacifistes, écologistes et antinucléaires. Il milite pour les Sportler gegen Atomraketen (“Sportifs contre les missiles nucléaires”) et se présente même aux élections régionales sur une liste proche du DKP. Il cofonde en 1987 le syndicat des footballeurs professionnels allemands (VdV), défendant les droits des joueurs dans un système de plus en plus marchandisé.

Son surnom de “Chewald” ou “Ewald Lenin” ne vient pas de nulle part : il incarne une forme de radicalité bienveillante, une pensée critique du football moderne, qu’il qualifie de “Raubtier-Kapitalismus” — un capitalisme de prédateurs. Pour lui, le sport doit rester un espace de solidarité, de justice et de conscience sociale.

🏴‍☠️ L’arrivée au FC St. Pauli : une évidence

En décembre 2014, alors que le FC St. Pauli est au bord de la relégation, Lienen est nommé entraîneur. Il sauve le club in extremis lors de la dernière journée, dans une ambiance électrique à Darmstadt. Très vite, le lien entre lui et le club dépasse le cadre sportif : les valeurs du FCSP — antifascisme, inclusion, solidarité — résonnent profondément avec son parcours.

De 2014 à 2017, il dirige l’équipe avec passion, rigueur et humanité. Puis il devient directeur technique, avant d’endosser le rôle de marqueur de valeurs (Marken- und Wertebotschafter) jusqu’en 2022. Dans chacune de ces fonctions, il agit comme un gardien de l’éthique du club, veillant à ce que les décisions sportives et institutionnelles soient en accord avec l’identité singulière du FCSP.

🎙️ Une voix qui compte

Lienen ne se contente pas d’agir : il parle, il écrit, il débat. Son autobiographie, “Ich war schon immer ein Rebell” (“J’ai toujours été un rebelle”), retrace son parcours avec franchise et humour. Il anime également le podcast Der Sechzehner, où il analyse le football avec un regard critique et engagé. Ses interventions dans les médias sont marquées par une lucidité rare : il dénonce les dérives du football-business, les inégalités sociales, et appelle à un retour aux fondamentaux — respect, équité, passion.

🤝 Une figure respectée et aimée

Au Millerntor, Lienen est plus qu’un ancien coach : il est une figure tutélaire, saluée par les supporters, les joueurs et les dirigeants. Le président Oke Göttlich le décrit comme un “compagnon de route”, un homme dont la présence rassure et inspire. Les fans lui rendent hommage à travers des autocollants, des chants, des clins d’œil visuels — le Totenkopf se mêle parfois à la silhouette du Che, dans une fusion symbolique.

🌱 Héritage et transmission

Aujourd’hui, même s’il a quitté ses fonctions officielles, l’empreinte de Lienen demeure. Il continue de s’exprimer, de conseiller, de soutenir les initiatives du club. Son passage au FCSP a renforcé l’idée qu’un autre football est possible — un football qui ne sacrifie pas ses valeurs sur l’autel du profit, un football qui parle aux gens, qui rassemble, qui éduque.

🟤 Pour conclure : Chewald, plus qu’un surnom

Appeler Ewald Lienen “Chewald” ou “Ewald Lenin”, ce n’est pas une blague de supporters. C’est une reconnaissance. Celle d’un homme qui a su incarner, dans le football professionnel, une forme de résistance joyeuse, une pensée libre, une fidélité aux idéaux. Au FC St. Pauli, il n’a pas seulement entraîné une équipe — il a nourri une culture, renforcé une identité, et rappelé que le football peut être un acte politique.