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Les pionnières du FC St. Pauli féminin

De la débrouille militante aux grandes scènes du football populaire

Elles ont joué sur des terrains défoncés, dans des maillots trop grands, souvent sans vestiaires, parfois sans public. Elles ont été moquées, ignorées, reléguées. Mais elles ont joué. Et ce simple fait — jouer malgré tout — est devenu un acte politique, une forme de résistance, une manière de dire : “Nous sommes là.” L’histoire du football féminin au FC St. Pauli est celle d’un combat pour exister, pour être vues, pour être entendues — et aujourd’hui, pour être célébrées.

🏟️ Les débuts : entre mépris et débrouille

Le premier essai de création d’une équipe féminine au FC St. Pauli remonte à 1970. Mais dès 1972, elle est dissoute, faute de soutien et face à une hostilité manifeste. Il faudra attendre 1990 pour qu’un nouveau groupe de femmes, parmi lesquelles Hagar Groeteke et Barbara Klawun, relance la section féminine — dans un climat de schikanes, d’ignorance et de refus d’accès aux infrastructures.

« Il y avait assez de créneaux sur les terrains. On ne voulait juste pas nous en donner. » — Barbara Klawun

Face à l’absence de clés pour allumer les projecteurs, les joueuses s’organisent : elles viennent avec un bolzenschneider (coupe-boulons), forcent les cadenas, allument la lumière, s’entraînent, puis referment tout — sans rien voler, juste pour pouvoir jouer.

👥 Construction collective et esprit du Kiez

Ce football féminin n’est pas né dans les bureaux du club, mais dans les rues du quartier. Les joueuses recrutent dans les bars de la Reeperbahn, s’organisent en autogestion, et développent un football de résistance, fidèle à l’esprit du FCSP : inclusif, combatif, radicalement opposé à toute forme de discrimination.

Nico Appel, membre depuis 24 ans de la section féminine et coach au FC Lampedusa St. Pauli, résume ainsi l’état d’esprit :

« Je joue au football. Pas au ‘football féminin’. Ce mot n’a pas de sens. »

🏆 L’ascension : victoires, montée et reconnaissance

En 2016, les 1. Frauen du FCSP réalisent une saison exceptionnelle :

  • Victoire 4–1 contre le HSV en demi-finale de coupe
  • Titre de championnes et montée en Regionalliga Nord
  • Finale de coupe jouée devant 1 122 spectateurs, dont 900 fans de St. Pauli
  • Fête sur la Barkasse dans le port de Hambourg

Malgré une défaite en finale, les joueuses sont saluées comme “les gagnantes du cœur”, et leur montée en troisième division marque une étape décisive dans la reconnaissance du football féminin au club.

🎤 2023 : le Millerntor comme scène

Le 8 septembre 2023, les 1. Frauen affrontent le HSV au Millerntor-Stadion devant 19 710 spectateurs — un record pour un match féminin à Hambourg. Le score est sévère (1–7), mais l’ambiance est triomphale : les joueuses sont acclamées, célébrées, et reconnues comme partie intégrante du club.

« Ce n’était plus le résultat qui comptait, mais le fait d’être là, sur cette scène, devant notre public. »

Ce qu’il reste à faire

Malgré les progrès, les inégalités persistent :

  • Les sponsors et les médias restent focalisés sur le football masculin
  • Les centres de formation ne sont pas ouverts aux filles
  • Les écarts de rémunération sont abyssaux

Mais les pionnières ont ouvert la voie. Et les générations actuelles, comme Inga Schlegel, capitaine des 2. Frauen, le savent :

« Je suis reconnaissante envers celles qui ont tout construit. Et je veux que cette histoire soit connue. »

Aujourd’hui, le FC St. Pauli compte neuf équipes féminines et de jeunes filles, soutenues par le club, les fans et le quartier. Mais cette reconnaissance est le fruit de décennies de lutte, de bolzenschneiders, de matches dans le froid, et de solidarités tissées dans l’ombre.

Ce blog leur est dédié. À celles qui ont joué sans reconnaissance. À celles qui ont ouvert la voie. À celles qui ont fait du football un terrain de lutte.

À voir, sur notre canal YouTube, pour en savoir plus : L’histoire des femmes footballeuses au FC St. Pauli