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Joseph Abileah : le premier refuznik israélien, un violon contre les fusils

Avant que le mot « refuznik » ne devienne un symbole de résistance en Israël, il y eut un homme, seul, qui osa dire non. Joseph Abileah, musicien de Haïfa, pacifiste convaincu, est le premier Israélien connu à avoir refusé de servir dans l’armée pour des raisons de conscience. C’était en 1948, au moment où l’État d’Israël venait à peine d’être proclamé — et où la guerre faisait rage.

🎻 Un pacifiste dans un monde en armes

Joseph Abileah n’était pas un militant politique au sens classique. Il était violoniste, issu d’une famille juive autrichienne installée en Palestine mandataire. Très tôt, il s’engage dans des cercles pacifistes et spiritualistes, influencé par des penseurs comme Gandhi et Tolstoï. Pour lui, la violence ne peut jamais être un moyen légitime — même pour défendre une cause juste.

En 1948, alors que la mobilisation générale est décrétée, Abileah refuse de rejoindre Tsahal, l’armée nouvellement créée. Il ne s’oppose pas à l’existence d’Israël, mais à l’idée que sa défense passe par les armes. Il est jugé, mais bénéficie d’un verdict clément, sans incarcération.

🧭 Un refus fondateur

Ce geste, isolé à l’époque, est aujourd’hui considéré comme le premier acte de refus de servir dans l’armée israélienne pour des raisons politiques et morales. Il précède de plusieurs décennies la naissance du mouvement des refuzniks, qui ne prendra forme qu’en 1979, lorsque 27 lycéens écrivent au ministre de la Défense pour refuser de servir dans les territoires occupés.

Abileah, lui, ne revendique pas son acte comme un manifeste. Il ne cherche ni la gloire ni le scandale. Mais son refus devient un repère historique, une source d’inspiration pour les générations suivantes — des pilotes, des réservistes, des jeunes appelés qui, eux aussi, diront non.

Joseph Abileah

🕯️ Héritage discret mais durable

Joseph Abileah meurt dans l’anonymat, sans avoir fondé de mouvement ni publié de manifeste. Mais son nom ressurgit régulièrement dans les cercles pacifistes israéliens, comme le premier à avoir incarné l’objection de conscience dans un pays où celle-ci reste encore aujourd’hui très encadrée, voire réprimée.

Son histoire rappelle que le courage ne se mesure pas à la force physique, mais à la capacité de rester fidèle à ses convictions — même quand tout pousse à les trahir.

🔚 Une résonance brûlante : du refus d’Abileah à la résistance d’aujourd’hui

Le geste de Joseph Abileah, en 1948, peut sembler lointain. Mais il résonne aujourd’hui avec une intensité tragique. Alors que la guerre à Gaza entre dans son 705ᵉ jour, que la famine s’est installée dans l’enclave, et que la Cisjordanie est soumise à une colonisation accélérée, le refus de participer à la violence devient plus que jamais un acte politique — un cri de conscience.

Des centaines de réservistes israéliens refusent désormais de servir dans les territoires occupés. Certains sont emprisonnés, d’autres ostracisés. Ils sont les héritiers directs d’Abileah, même s’ils ne le connaissent pas toujours. Leur geste est souvent motivé par une opposition à la politique de l’État fasciste israélien, à l’occupation, aux bombardements, à la logique de vengeance.

Le mouvement des Anarchists Against the Wall, né en 2003 pour s’opposer à la construction du mur en Cisjordanie, a disparu depuis quelques années. Mais son esprit perdure dans les manifestations à Tel Aviv, dans les graffitis “No military solution”, dans les actions de solidarité avec les villages palestiniens comme Bil’in ou Beit Ummar. Ces militants, souvent jeunes, juifs, antinationalistes, ont marché aux côtés des comités populaires palestiniens, parfois en première ligne pour protéger les corps palestiniens par leur propre présence israélienne.

Dans ce contexte, le geste d’Abileah n’est pas une anecdote. Il est un archétype. Il rappelle que le refus individuel peut être le début d’une résistance collective. Que dire non, même seul, peut tracer une ligne dans l’histoire.

« Je ne peux pas tuer pour défendre la vie. » — Joseph Abileah

Aujourd’hui, alors que des milliers de civils meurent à Gaza, que des colons armés attaquent des villages en Cisjordanie, et que des États comme la France ou le Canada envisagent enfin de reconnaître l’État de Palestine, le refus de participer à la guerre devient un acte de lucidité — et peut-être, d’espoir.